L’expression est un peu galvaudée, mais on peut affirmer sans ciller que VSSVD (anciennement ASSAD) évolue un peu à l’écart, voire même à contre-pied de la tendance actuelle qui prime dans le rap. Plus qu’à contre-pied on pourrait même dire un pied dehors un pied dedans.
Si aujourd’hui c’est la figure du rappeur qui est mise en avant, (peut-être) symbole d’un individualisme érigé en valeur absolu de notre époque, VSSVD évolue en équipe, rappelant une certaine ère, celle deThe Roots aux Etats-Unis ou de Hocus Pocus en France. Dans le même esprit, si la tendance musicale actuelle tend à l’utilisation à foison de la technologie, que ce soient les voix autotunées ou la mise en avant des beatmakers, le groupe tourangeau use lui d’instruments acoustiques pour composer ses morceaux.
VSSVD évolue dès lors à la lisière des genres explosant les codes habituels du rap pur et dur. Par exemple point de boucles à la Mani Deïz sur lesquels Bash, le MC, viendrait poser, mais des vraies compositions, avec une contrebasse, un piano, un saxophone et un beatboxer qui se charge des parties rythmiques. Un solo de piano ou de saxophone qui vient se poser là, entre deux couplets, permet de respirer, de se laisser porter par la musicalité. Les quelques notes de contrebasses introduisantl’EP Hypertendresse, sorti il y a quelques mois donnent un aperçu de la couleur musicale qui se déploie au fil des titres.
De tendresse, voire même de la sensualité c’est exactement ce dont il est question chez le quintet. Cette sensualité se retrouve symbolisée par Bash, poète mi-idéaliste mi-cynique, que ce soit face aux femmes ou à la musique, ses deux thèmes de prédilection. D’un flow nonchalant et d’une voix suave il nous parle de ses conquêtes amoureuses, de son rapport au rap, entretenant dans les deux cas une distanciation volontaire, par exemple avec cette phrase « J’prends l’rap comme une vitrine pour mieux afficher ma p’tite bite », sur le très égotrip “Slip”. Mais la distance ne marche pas tout le temps, et la sincérité se dévoile parfois, comme sur le refrain de L’amande :
« J’rêve d’un cocktail à la menthe avec elle
D’une vie d’amant, d’un bain à la menthe
A c’qui paraît elle est cool, mais elle est trop belle,
Évidemment, j’attends toujours mon cocktail et mon bain à l’amande »
Entre deux clips gonflés à la testostérone, avec des basses qui font remuer et des gimmicks qui donnent envie de tout péter, prenez une pause et échappez-vous hors du temps, en savourant les deux magnifiques galettes pondues par VSSVD, sorte de paradis artificiel auditif.