D’Arte aux quartiers, l’émergence du rap sans queue ni tête fait parler tout le monde. La critique est facile et Yann Moix n’attendait que ça. Beaucoup parlent de l’influence d’internet et de la recherche du buzz à tout prix, mais il y a 100 ans, cette expression artistique semblait déjà exister avec le mouvement dada… Coïncidence ?
Qu’ils le sachent ou non, les rappeurs d’aujourd’hui ne sont pas les premiers à utiliser un absurde extravagant ou la dérision pour se libérer artistiquement. Avec le dadaïsme né en 1916, Marcel Duchamp et son squa l’ont fait bien avant Vald, Lorenzo ou Youri pour les chineurs. Pour formuler le n’importe quoi du monde qui l’entourait, Man Ray avait peint une baguette de pain dur en bleu. Elle traînait au fond de son atelier (le pain peint,1958). Aujourd’hui, Lorenzo « fait du sale » comme il dit, enexplosant son clavier inopinément pour définir son lifestyle ainsi qu’en proclamant des textes (à première vue) dénués de sens, faisant ainsi plus de 10 000 000 de vues avec un morceau d’une minute 45, par exemple. Point commun : l’utilisation de l’art absurde comme reflet du monde. Lorenzo serait donc un « rappeur conscient »… ?
Si on grossit les traits, le dadaïsme s’est formé en partant du constat simple qu’il paraissait plus « normal » (dans la conscience collective) de faire la guerre, de s’entre-tuer, que de baiser à plusieurs par exemple. La folie de l’homme le réduit tuer son semblable pour des frontières qu’il n’a pas décidé. Politiser cet acte et le faire accepter de tous, c’est le stratagème de manipulation d’une élite prête à tout pour servir ses intérêts, en profitant de leur force de persuasion médiatique. En période d’après guerre, ce constat à pousser les artistes à créer un mouvement sans queue ni tête pour matérialiser et imager cette folie en prennent deux lettres au hasard dans le dictionnaire (D-A = DADA, #NQNT jusqu’au nom du mouvement).On peut très facilement trouver une similitude entre les deux époques. À vrai dire, rien n’a vraiment changé, tout s’est même aggravé.
L’émancipation est le maître mot de ce mouvement qui se joint au hip-hop par la force du temps car les limites sont, et ont toujours été fixés par des ceux qui n’en ont pas. Le troll c’est la définition d’un individu cherchant à déranger, à remettre en cause les versions officielles. Les artistes ne seraient-ils pas là en partie pour ça ? Ouvrir l’esprit du public qu’il touche, proposer son univers, sa vision du monde que ce soit abruptement ou en conceptualisant son art… Il faudra surement du temps pour que le hip-hop soit reconnu comme culture à part entière, certes, mais mettre un rappeur dans la simple case « troll » c’est encore une fois réduire un mouvement aussi riche que méprisé.