Avec Jorrdee, Freeze Corleone est une des tête de proue du crew lyonnais 667, probablement un des collectifs les plus influents de la scène actuelle. Si Jorrdee fait preuve d’une originalité vocale et musicale indéniable, c’est plus du côté du texte qu’il faut se pencher pour voir la vitalité de Freeze Corleone, qui fait du bien à tout le rap français.
L’écriture est dense, à tel point qu’il faut écouter les morceaux en boucle un bon nombre de fois pour tout saisir. Le flow saccadé à la Migos, pousse l’oreille à se reposer sur les sonorités, extrêmement bien placées,les « S/O » et les adlibs formant une litanie ininterrompue, ambiance sombre, pesante et leanée.Pour autant, quand on se penche sur cette écriture, on se rend compte de l’intelligence stylistique du bonhomme. Les références sont présentes à chaque ligne, mêlant des mondes complètement différents, entre influences provenant du rap américain (on sent que Freeze est un vrai fan), du football (S/O Karim et Nico) et des mangas.
De plus, et c’est ce qui fait toute la complexité, mais aussi tout l’intérêt de Freeze Corleone, il y a une déconstruction syntaxique qui s’opère dans les textes du rappeur de 667. Tous les mots sont élidés, notamment avec les « S/O » (pour « Shout Out ») et le « F » pour remplacer les « Fucks », les multitudes d’acronymes lâchés et les références simplement posés en pur name dropping, ce qui nous force à une attention constante si l’on veut poser le sens de ce que dit notre bon Freeze Corleone :
« FLRG, F les R.G.
F « Tintin au Congo » et F Hergé » Q.B.
Les prods sont également soigneusement choisies, avec toute une équipe pour soutenir l’ambiance sombre à souhait du rappeur au nom de mafieux. On trouve notamment quelques têtes connues, à commencer par Jordee, qui revêt la casquette de producteur, sous le nom franchement glauque de Guy Georges, mais également King Doudou, qui a lâché des prods pour PNL ou Ian Vandooren, la moitié de LUTECE (dont on vous parle ici). Ce large éventail de contributeurs permet également d’explorer des styles différents, du cloud rap en passant par la trap et même un morceau aux influences boom bap, révélant la capacité tout terrain de Freeze Corleone.
Nous voilà arrivée dans une nouvelle ère du rap, celle du minimalisme de paroles (S/O PNL). Pour autant, une des puissances de Freezer Corleone est d’arriver à dire beaucoup de choses en peu de mot, si tant est que l’on veut bien s’accrocher. Son influence (et celle de 667 en général) sur la génération des rappeurs prêt à éclore (S/O Tengo) démontre que même s’il reste dans l’ombre, Freeze Corleone est capable de bouleverser la face de ce foutu jeu.
