Ça fait maintenant un certain temps qu’on attendait de nouveaux sons de la part de Gaël Faye. Certes, son album Pili Pili sur un croissant au beurre, sorti en 2013, reste indémodable et peut se savourer à tout instant, tout comme l’excellent Milk Coffee and Sugar, album éponyme du nom du groupe qu’il formait avecEdgar Sekloka. Néanmoins, la force des précédents opus du MC franco-rwandais nous poussait à espérer qu’il refasse parler sa plume et son flow acéré.
Certes, Gaël Faye n’a pas chômé entre Pili Pili sur un croissant au beurre et ce nouvel EP. Délaissant les cahiers de rimes et l’ambiance des studios, il s’est attelé durant de longs mois à l’écriture d’un romanqui, comme il l’explique en concert, prolonge sa chanson L’ennui des après-midi sans fin. Ce roman, Petit Pays, nous plonge dans une atmosphère similaire à certaines chansons de l’enfant de Bujumbura, entre insouciance de cette enfance dans la quiétude de la capitale burundaise, et troubles politiques et humains lié au génocide. Bouleversant, ce livre a reçu de nombreux prix (dont le Goncourt des lycéens), été traduit dans de nombreuses langues, et a été vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Mais malgré l’exposition (voir le marathon) médiatique, le rappeur n’a pas oublié qu’il restait avant tout un fils du hip hop, et nous a livré la semaine dernière, un superbe EP 5 titres, Rythmes et botanique, que nous avions déjà pu entendre sur scène, car il a la particularité d’avoir été rodé en live avant de sortir dans nos écouteurs.
La teinte musicale a évolué depuis ces 4 dernières années. En effet, si Pili Pili sur un croissant au beurre, privilégiait l’usage d’instruments acoustiques, notamment à cordes, dans Rythmes et botanique on retrouve beaucoup plus l’utilisation de sample et de MPC. Les samples sont d’ailleurs magnifiques et forment un tout cohérent, avec ces chants lancinants, exprimant tour à tour la souffrance, mais aussi l’espoir voire la rage, sublimés par les beats de Blanka et les instruments (claviers, et surtout trompette) de l’inévitable Guillaume Poncelet. La bande sonore de cet Ep forme une sorte de symphonie qui vient se poser et soutenir la voix, l’écriture et les idéaux d’un Gaël Faye en verve.
En effet, ce que l’on recherche à l’écoute de ce dernier, c’est avant tout une plume. Car l’écriture de ce chanteur/slammeur/rappeur (rayez la mention inutile si vous tenez absolument à tout mettre en case) possède une puissance d’évocation, capable de faire pleurer ou de faire rêver en une seule ligne. Ici il ne s’agit pas de punchlines mais d’uppercut poétiques. Les sujets évoqués sont moins personnels, moins autobiographiques, contrairement à la majorité des chansons du premier album. Ici ce sont des sujets généraux, comme Irruption ou plus particuliers, comme Paris métèque, poème dédié à la ville lumière, mais c’est moins la figure de Gaël Faye en tant que personne qui est mise en avant. C’est plus l’idéalisme qui est érigé en mode de vie, même la langue est idéalisée, poétisée à l’extrême. On sort de ces chansons, notamment Irruption et Solstice (avec en prime la voix rocailleuse de Saul Williams) en songeant à des lendemains qui chantent, car comme le susurre une petite voix à nos oreilles :
« Mes enfants, le solstice c’est dans longtemps
Mais longtemps c’est maintenant »
Solstice.