Comme à son habitude, Népal a surgi sans prévenir, balançant juste un lien vers son EP sur les réseaux, mettant pas mal de monde en émoi. Il nous offre ainsi 8 titres, dans la lignée des pépites 444 et 445 nuits. Si le rappeur ne se distingue pas par son originalité sur ce projet, il poursuit sa route, excellant dans son domaine, entre instrus aériennes, placements techniques et univers envoûtant.
Dès la première track, l’ambiance est posée, ça sera un projet aux allures nippones (le titre laissait peu de doutes). Klm, l’alter ego producteur du rappeur est à la manette de toutes les instrus, épaulé par des têtes connues (Vidji, Diabi). Idem du côté des feats, on retrouve des têtes connues, et habituées. Il y a évidemment Doum’s, le compère de toujours, pour une track commune, qui fait le taf, mais reste un peu en dessous des incroyables Suga Suga et Deadpornstar. Au menu des collaborations figurent aussi le Bohemian Club, proche de la 75ème session (Nepal avait déjà posé avec Walter sur un morceau de 444 nuits) et, plus étonnant, le rappeur anglophone Gracy Hopkins, qui vient offrir de nouvelles couleurs musicales.
Quand on écoute un son de l’EP on a l’impression d’être cette âme qui survole la ville dans Enter the void, le film de Gaspard Noé. La cohérence des prods nous plonge dans une ambiance ouatée, où la douce voix de l’artiste fait l’effet d’une drogue qui nous apaise et nous allège petit à petit. On ajoute à tout ça des placements sans faille débités avec un redoutable effort d’articulation et nous voilà scotché.es la tête dodelinante, les yeux mi-clos.
Une des forces de Népal c’est de vouloir faire passer la forme en force. Il s’amuse alors à tordre la langue pour la faire rentrer dans sa métrique et soigner ses placements, comme il l’affirme dans Teczer : « J’kiffe le javanais parce que ça m’fait gagner des syllabe ». La voix est ici considérée comme un élément rythmique à part entière et les mots choisis pour leur sonorité plus que pour leur signification. Si on rajoute le travail réalisé sur le traitement de la voix en postprod cela donne des passages savoureux, comme ce ping pong vocal vraiment réussi dans Omotesando.
Pour autant, Népal ne réussit pas l’exploit d’avoir une cohérence textuelle comme on pouvait la ressentir dans 444 nuits. Si certaines phases nous font sourires : “T”es comma Macron, t’es jeune, tu dis d’la merde du coup on t’a signé”, on peu déplorer un peu de légèreté sur le reste des textes de l’EP, le MC se laissant même aller à des comparaisons hasardeuses, comme ce “J’ai l’air inoffensif comme une paire de Vans” (Babylone). Néanmoins le track Cloud8 arrive à nous replonger dans cette mélancolie cafardeuse, nous plongeant dans les méandres de l’esprit du rappeur.
Avec KKSHISENSE8 on a le droit à une surprise de qualité de la part de Népal, en espérant tout de même que le rappeur ne se repose pas sur les lauriers d’une recette efficace mais qui pourrait s’étioler avec le temps. Dans le fichier de téléchargement, on trouve un fichier “Lisez moi” dans lequel est annoncé un album pour bientôt, à suivre donc.