Il y a quelques jours de cela, au cours de son concert à Bercy, Nekfeu annonçait la sortie surprise de son dernier album, Cyborg. Nous n’allons pas nous appesantir sur la critique de cette pièce de bonne facture, puisque beaucoup a déjà été écrit. Ce qui nous intéresse en revanche c’est la présence, sur le morceau Esquimaux, de Népal, qui vient nous livrer un couplet de haute volée, comme à son habitude. Une consécration méritée pour ce personnage de l’ombre, qui montre peu son visage, à l’instar de beaucoup de ses confrères. Voici une occasion de vous le présenter.
Le boug s’est mis à l’écriture sur le tard, comme il l’affirme dans une interview donné à “Rap en France” en 2014. Il opère en duo, sous le nom de KLM, avec Doum’s dans le groupe 2Fingz. En découlera une compilation de leur nombreux sons, La folie des glandeurs, sortie en 2013. Parallèlement et cette fois-cisous le nom de Népal, il sort un premier projet solo en 2014, 16 par 16, par l’intermédiaire de l’écurie75ème session, à laquelle il est rattaché. Cet EP, qui était composé de freestyles posés sur face B, montrait tout le potentiel de ce jeune au pseudo si exotique. Pourtant il ne constitue une « étape intermédiaire » comme le confie le rappeur au Rap en France. Et on pourrait dire qu’avec 444 nuits (à télécharger ici), sorti en juillet dernier Népal a vraiment franchi un cap.
Quand on parle de flow incisif, je pense qu’on devrait prendre celui du rappeur parisien en exemple, tant il arrive à créer son univers autour de son phrasé si particulier. En effet, outre une faculté d’adaptation à tout type d’instrumental, et une capacité à varier les tempos dans une apparente facilité, Népal articule extrêmement bien ses textes, ce qui fait vraiment plaisir de nos jours, et permet d’en prendre la pleine mesure. Derrière ce phrasé articulé, voire quasiment parlé, la voix se fait lasse, nonchalante. Cette nonchalance apparente laisse pourtant percer un véritable malaise par rapport à notre société. Si les attaques sont moins frontale que chez un Lucio Bukowski, les textes transpirent tout de même un sacré malaise, à l’image du titre « Yolo », et du refrain, nous amenant à nous questionner sur cette époque où :
« Des jeunes qui s’crashent bourrés en caisse criant : “Yolo”
Tu peux sauver la terre, tu peux aussi ssep’ dans un violon »
Le rappeur lui, se place en retrait de toute cette agitation, conscient de son impuissance, comme il le souligne si bien, dans son titre avec son ancien compère Doum’s, Suga Suga :
« J’ai aujourd’hui l’impression qu’le système est bien pire qu’un ennemi
J’existe à travers lui : azerty, azerty, azerty »
C’est souvent au travers d’images très brèves, quasiment sans narration, que Népal nous livre ses états d’âme, ce qui rend ses textes d’autant plus percutants. Aujourd’hui, notamment du fait de la simplification des moyens de productions, et le développement des home studio on assiste à une multiplication de jeunes rappeurs prêts à tout croquer. Beaucoup maîtrisent les schémas de rimes et leur flow et souvent impeccable. Dans cette vaste compétition, seuls ceux développant un univers bien particuliers sauront se démarquer. Et assurément, Népal possède cette petite chose en plus.